Un regard sur les petites vies.

Je fais couler de l’eau brûlante dans mon mug. Dans le tiroir en-dessous, j’ai deux sortes de thés : l’un est une boîte de sachets de thé noirs d’une marque anglaise, l’autre est un bocal fait maison à base de graines torréfiées de grains de sarrasin, de graines de sésame et de riz long. J’écoute. Une fraction de seconde mon regard se tourne vers l’intérieur, vers l’intuition du corps. Je ressens le premier thé, et le second. Rien à signaler. Aucune préférence n’émerge. Mon corps, à cet instant, s’en fout. Parfois, il me renvoie une sensation de fermeture ici, une autre d’ouverture là… Je sais alors qu’il préfère nettement l’une des options. Petit moment ordinaire et silencieux de ma petite vie.

Je voulais écrire sur cela, les « petites vies » et vous partager un bout du cheminement que j’ai eu à faire aujourd’hui.

Commençons par la fin : voici la citation postée ce jour par le conteur fabuleux Henri Gougaud sur sa page Facebook. Elle a retenu mon attention.

 » Si humble que soit votre vie, faites-y face et vivez-la. Ne l’esquivez pas. Ne l’insultez pas. Elle n’est pas aussi mauvaise que vous l’imaginez. Celui qui cherche à critiquer trouvera à critiquer même au paradis. Aimez votre vie, toute pauvre qu’elle soit. Le soleil couchant se reflète avec autant d’éclat aux fenêtres de l’hospice que sur celles de la demeure du riche. ».

— Henry David Thoreau

Admettre que notre expérience puisse être sans valeur

Les réseaux sociaux sont des endroits riches d’enseignement pour qui sait tendre l’oreille. Ce que « cela nous fait » à tous, est loin d’être anodin. Mais a minima peut-on apprendre à en devenir conscient.

Régulièrement, ces derniers temps, j’ai refait la même expérience : lire un post, ou une simple affirmation parfois, et avoir l’élan de venir déposer ma contribution en commentaire. Souvent, quand j’ai cet élan, c’est pour partager… Une autre vue. C’est plus fort que moi : écrire juste des banalités genre « on est d’accord » (ce qui est la base du principe de revalidation narcissique constante des réseaux sociaux) ne m’intéresse pas vraiment. Quand j’ai envie de commenter, c’est généralement pour apporter un autre angle de vue. Autant dire : pour ne pas être d’accord avec celui qui poste, même si j’ai appris au fil des années à y mettre un maximum de pincettes :

  • manier l’humour quand je m’en sens capable
  • ne JAMAIS écrire dans l’émotion si elle vise à renverser l’autre. Je souhaite demeurer constructive
  • Et parler… de moi, de mon expérience, plus que de celle de l’autre.

Et dernièrement, des partages que j’ai apporté ont donné lieu de manière assez hypnotique à des cascades de commentaires qui n’entendaient pas ce que je disais de mon expérience mais… venait me dire que « non » parce que « eux font une autre expérience ». Étrangement, j’ai persisté. En me disant : « bah, je vais finir par être entendue… Je ne parle pas de l’autre, mais de ma propre expérience. peut-être quelqu’un va-t-il simplement passer et dire « oh, cela me parle, moi aussi je suis dans ce cas, qui n’est pas le cas de base cité par ce post… » ». Mais non.

Je suis revenue dedans et j’ai observé ce que cela me faisait. Je me sentais en colère et « non vue ». Je sentais cette part de moi qui voulait simplement exister, et qui défendait « son petit monde » parce qu’elle le trouve chouette. J’ai écouté la tension, la colère, la tristesse aussi… Si souvent dans ma vie j’ai côtoyé des gens qui ne me voyaient pas. Ils parlaient à ce qu’ils voulaient que je sois. Mais moi ? Ils ne m’ont jamais vraiment vue. Proches, patrons, collègues, amis parfois… J’ai beaucoup été « non-vue ». Une ombre qui s’adaptait aux désirs des autres. Et qui souffrait de ne jamais se sentir reconnue, vue.

Depuis je suis devenue thérapeute. Et comme je manie l’énergie… C’est un lieu où la rencontre avec chacun est profonde et sans fard. Je sais donc, depuis toutes ces années, que bien des gens m’ont « vue » et qu’ils en ont été touchés.

J’ai aussi remanié mon regard, mes croyances et mes énergies. De bien des façons. Et je peux désormais honorer le fait d’être « invisible » quand ça m’arrange. Je maîtrise très bien cette compétence. Du coup… La lumière, c’est quand je me sens respectée, et à l’aise. Et que cet élan est là.

J’ai parlé doucement à cette part de moi qui rageait de n’être pas vue dans son partage. Je l’ai accueillie tendrement et lui ai suggéré ceci : « tu sais quoi ? Si autant de gens s’en foutent de ton monde intérieur, peut-être que c’est parce qu’il n’intéresse pas grand monde. Voire presque personne. Et peut-être qu’il n’a guère plus de valeur que cela. »

J’ai senti une légère crispation, mais je chemine en compréhension profonde avec mes parts intérieures, aussi me le rendent-elle bien. J’ai juste admis que ce qui était défendu, ce bout de territoire vain, pouvait mourir. Je ne vis pas là et je le sais depuis un bon moment. Et en laissant les autres avoir toute la place, avoir enfin raison, je me suis retirée. J’ai choisi d’être en paix, plutôt que d’avoir raison. Surtout en un lieu où mon propos n’est pas audible.

J’ai fait une petite sieste sur ces entrefaites. Et en me réveillant, je me sentais bien. Quelque chose s’était apaisé.

La valeur des petites vies : l’enseignement de Charles Dickens

Le fait d’embrasser totalement que ma vie compte peu, qu’elle n’amène dans ce monde « pas grand chose d’attractif pour la majorité des gens », est OK pour moi. Parce que les petites vies… Restent des vies. Et il y a assez d’amour en moi pour honorer la mienne, telle qu’elle est. Même peu attractive, même plus discrète. Même minuscule, à bien des égards.

Je veux bien être minuscule. Et fragile. Car la délicatesse et une certaine finesse de ressenti viennent avec.

« Aucune vie n’est inutile, qui ne serve à une autre. »

Cette phrase, je l’ai entendue hier en regardant le film émouvant sur Charles Dickens (L’homme qui inventa Noël). Et elle témoigne d’un glissement du regard de l’auteur, tourmenté par l’écriture de son plus célèbre livre « un conte de Noël ». Ce glissement, présent dans le livre avec les 3 fantômes qui vont faire évoluer le radin Scrooge, se trouvait loger en fait au coeur même de l’auteur… Et le film relate ce face-à-face intérieur juste dingue. Encore un humain qui rencontre ses parts gardiennes figées… Et renverse sa vision pour libérer la structure mentale rigidifiée. Et ce glissement de regard c’est admettre que personne ne sert à rien. Que toute vie à une valeur.

Il y a des gens qui sont incapables de travailler. Des autistes jamais diagnostiqués dont la vie pro est chaotique et compliquée. Il y a des gens partout qui luttent chaque jour avec des handicaps invisibles, silencieux, mais douloureux ou invalidants. Il y a des gens qui sont juste capables d’aimer, mais incapables de gérer l’administratif. Il y a des gens qui vivent dans la pauvreté, la misère, une vie dont les murs semblent se rétrécir autour d’eux. J’ai croisé toutes sortes de personnes dans ma vie, mes différents métiers m’ayant permis de voir les grandes facettes du monde. Les gens du transport routier, les banquiers, les gens de l’économie « sociale et solidaire », les métiers de thérapies alternatives… Et dans mon cabinet j’ai vu défiler toutes les classes sociales.

Et vous savez quoi ? Souvent il m’arrive d’avoir, avant une séance, un a priori. Une impression. Un jugement. Mais au moment où je suis dans l’énergie ouverte de la séance… Tout s’évapore. Je n’ai littéralement plus accès à mes cases à cocher. A mes regards jugeants. A mes catégories. A mes croyances. Je ne ressens que l’autre, son énergie, et à quel point avec la vie qu’il vit, il a fait de son mieux. Et ensemble on regarde comment émerger de ce qui pose problème. Mais l’amour, lui, s’invite invariablement. l’amour et un profond respect pour mes semblables. A chaque fois, mon ego se dégonfle. Et il s’attendrit. Sans aucun effort. C’est vraiment le principe « d’enfiler les chaussures de l’autre ». Alors on sait. On sent. Et on voit. Comme lui. Avec lui.

J’ai tellement de joie à vivre ces moments-là… Que j’oublie parfois que dans la vie plus ordinaire, cet état n’est pas toujours disponible. Que les humains se parlent à eux-mêmes sur les réseaux sociaux. Qu’ils parlent à leurs projections sur l’autre. Qu’ils ne voient qu’eux-mêmes, partout. Et que nombre de gens sont, dans le fond, terriblement seuls derrière leur écran. Comme je l’ai été, depuis toujours, derrière mon propre écran d’invisibilité.

En conclusion

Revenons au point de départ, si vous le permettez. La citation d’Henri David Thoreau.

 » Si humble que soit votre vie, faites-y face et vivez-la. Ne l’esquivez pas. Ne l’insultez pas. Elle n’est pas aussi mauvaise que vous l’imaginez. Celui qui cherche à critiquer trouvera à critiquer même au paradis. Aimez votre vie, toute pauvre qu’elle soit. Le soleil couchant se reflète avec autant d’éclat aux fenêtres de l’hospice que sur celles de la demeure du riche. »

Prendre soin de sa petite vie, de ce qu’il y a de modeste chez nous, dans ce qu’il nous est donné d’expérimenter, est un acte d’amour.

Honorer nos faibles forces, nos limites psychiques, notre bordel intérieur, nos handicaps, notre discrétion, nos envies de retrait du monde, notre prudence, notre vigilance, ce regard si singulier que cela nous fait avoir sur le monde, « notre monde ». En faisant cela, je cesse d’insulter ma vie. J’en honore les contours modestes, simples, dans un monde qui ne parle que de « beaucoup », de « grand » et de « fort ». Mais chaque vie compte. Celle des petits, aussi. Car l’air de rien, ce sont souvent elles qui tiennent le tissu déchiré du monde. Qui le raccommodent silencieusement, jour après jour. De câlins. D’empathie. De tendresse. De gestes doux. De conseils avisés.

Si vous aussi vous vous sentez éprouvé par ce monde et cette brutalité partout présente, ce bruit, ces remous dramatiques partout, tout le temps… Sachez juste une simple chose : vous n’êtes pas seul.

Avec tendresse,

Gaëlle


Praticienne en médecines douces, je travaille en soins énergétiques holistiques à distance (pour les personnes, les animaux, et les lieux).

Retrouvez-moi sur mon blog « Fortifiez vos ailes », et sur mon site professionnel : http://www.gaelleberny-magnetisme.com/

(photo d’article : Pinterest)

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