Un matin ordinaire sur la Terre. Je me dirige vers mon cabinet, pas nécessairement très réveillée. On est samedi, toute la maisonnée dort, et je me suis levée et préparée en silence. Pleine de mes questionnements du moment, je reçois ma première cliente.
J’ouvre la session vibratoire avec son énergie. Elle s’assoit. Elle est venue il y a un peu plus d’un mois pour la première fois, et nous devions nous revoir une seconde fois. Je me souviens à peine d’elle. Elle me raconte qu’elle se sent un peu mieux depuis le premier soin, mais qu’elle constate toujours autant d’agressivité à l’égard de ses proches. Elle parle vite. Les mots se bousculent à la sortie. Je ressens son état en moi, comme d’hab. Impassible, j’écoute.
En début de soin, une fois qu’elle s’est allongée sur ma table, je ressens comme une espèce d’aspiration / tension en moi. Je contemple cette femme, allongée là … Je vois que ce qui est demandé c’est d’appeler dans son corps l’énergie de l’amour de soi… Et j’écoute en moi, un peu attristée, que cela va me demander un effort, car je n’éprouve aucune sympathie pour elle à cet instant. Je ne me sens pas concernée par elle, distante. Malgré la connexion de très haute proximité vibratoire entre nous.
Habituée à ce genre d’exercice, je me laisse guider par mon instinct. Rien n’est rejeté, pas même mon regard, ni mon état. Tout est inclus dans le soin. Et je convoque l’amour de soi en elle, non pas en « le faisant » mais en veillant à demander à la vie qu’elle est de « me montrer ce que ça fait ». Chemin du moindre effort, toujours. Et j’attends. Au fil des minutes, un premier niveau d’harmonisation apparaît. Je sens son corps éthérique très tordu, les jambes vrillées, des barrages. Cette femme a bloqué le courant de la vie en elle un peu partout. Il y a eu lutte, beaucoup. Et depuis longtemps. Je me demande si je vais parvenir à la « rencontrer », de coeur à coeur… La pensée me traverse.
Vient le moment de parler. Je lui sors une phrase qui parle des morts. De ceux qu’on a aimé et qui sont morts, de ceux qui nous manquent… et il y a une question pour clore le propos : « manquent-ils vraiment ? ». Elle m’a raconté en entrée de séance qu’elle rêve quasiment toutes les nuit de la mort. La sienne et celle des autres. Et que cela lui semble intolérable et flippant. Nous entamons une discussion. Au cours du cheminement patient, se révèle la blessure qui tient tout l’édifice de sa colère : un frère mort dans des circonstances très pénibles des années auparavant. Un frère qui manque. Cruellement, malgré la relative acceptation de son décès. J’ouvre la porte qui manque, en nommant une simple possibilité : et s’il était encore vivant, quelque part en elle, à cet instant ? Que deviendrait le « vide à combler par d’autres moyens » qu’elle nomme ? Silence. Tout son corps vibratoire fourmille. Les larmes coulent doucement. Et je sens. Que mon coeur rejoint le sien, enfin. Cela amplifie le fourmillement d’énergie. Enfin, je comprends cette femme ! Enfin je peux la rejoindre dans son humanité… Ce qu’elle vit, je le comprends tellement, soudain… La discussion se poursuit comme une simple formalité, pour finir ce qui a été commencé : libérer l’écoulement du flot. Relâcher la croyance qu’avec la disparition physique de nos aimés leur énergie de vie cesse d’être en relation avec nous.
Je termine l’équilibration, de nouveau. Elle se relève, s’assoit sur la table. Nous nous faisons face. J’attends, son ressenti de fin de séance. Je la laisse venir. Elle reprend la parole et bredouille quelques phrases sur toutes ces morts violentes qui ont jalonné son chemin depuis quelques années. Frémissements. Partout. En une fraction de seconde je saisis tout, comme si un bloc intuitif énorme s’ouvrait devant mes yeux : je vois où elle va, ce qu’elle veut et ce que je dois dire.
« on dirait qu’il y a une question, que vous avez besoin de poser une question…
Oui, oui. Je me demande pourquoi toutes ces morts ?
Je sens votre peur. Je sens votre lecture actuelle de tout ça : « je dois être un peu maudite pour vivre autant d’événement de mort violente concernant mes proches »… Et si ce n’était pas du tout ce que vous croyez ? Et si c’était juste un moyen pour la vie de venir vous chercher, en vous révélant votre potentiel dans ce genre de situation ? Je ressens que vous êtes liée à la mort… Vous savez être magnifiquement présente dans les circonstances de mort et de deuil. Mais pour comprendre cela… Il vous faut vivre la proximité du décès, encore et encore.
Ah oui, tiens. Mon médecin m’a dit que mon père, mort dans mes bras brutalement, m’avait fait un cadeau empoisonné en mourant ainsi…
Tout le monde ne s’abandonne pas à « lâcher-prise pour mourir » n’importe où. Les gens meurent, étrangement, quand ils se sentent en confiance. Les histoires de personnes ayant attendu un moment précis pour partir pullulent. Je connais un voisin, qui travaille en EHPAD et peut sentir le moment où il faut aller tenir la main d’une personne âgée et lui dire « c’est le moment, vous pouvez lâcher-prise, ça va aller… » Quelques minutes plus tard, généralement, la personne lâche prise et s’abandonne à sa mort. Cet homme a trouvé sa vocation, il permet à la vie d’utiliser son talent pour adoucir un peu la douleur de ce monde.
(silence. Puis des larmes de nouveau. Forte émotion).
Cela signifie que vous pouvez changer de grille de lecture. Rien de mauvais ne vous arrive. la vie vous montre votre talent. Vous allez repenser à cela en rentrant chez vous. repensez aux morts, et à votre réaction. Qu’avez-vous manifesté durant ces moments de mort puis de deuil ? Vous allez voir apparaître la qualité qui est la vôtre. (Toute l’énergie en elle vibre, comme si elle était parcourue par un immense influx ciel-terre).
Et mon agressivité, va-t-elle se calmer ?
l’agressivité est souvent le signe d’un don nié et refoulé. les gens agressent les autres lorsqu’une qualité intérieure cherche à se révéler en eux, lorsqu’ils ne sont pas encore prêts à la recevoir. Vous aviez beaucoup d’a priori sur la mort, le fait de rêver d’elle, de la côtoyer… Cette séance dépose toutes les idées reçues. Il vous reste à explorer calmement un monde neuf. Vous allez cheminer au service des vivants, en lisière de la vie. Là où il faut beaucoup de douceur pour accompagner, et offrir un ultime appui parfois… Sans jugement, je ne serai pas étonnée que votre colère retombe d’elle-même.
(je sens son univers unifié. Et en face de moi, je contemple non plus une inconnue, mais une amie. Mon âme reconnaît la sienne, sur ce chemin d’une vie qui prend sens, et révèle la beauté de ce qui dormait enfoui sous les décombres d’une pensée en déshérence.)
***
Elle se relèvera avec un quasi-sourire et un profond soulagement. Le regard vivant. Celle qui quittera mon cabinet quelques minutes plus tard, je la reconnais désormais dans mon coeur, comme une soeur, ou une amie. La rencontre a eu lieu. La vraie. Celle qui fait tomber les masques, les faux-semblants et permet de se toucher l’un l’autre au-delà des zones où l’on n’est profondément pas soi-même.
Je resterai songeuse de longues minutes à écouter ce que cette séance a fait en moi. Faire le chemin jusqu’à la rencontre ouvre tellement de profondeur que l’on ne devrait jamais manquer cet appel, et pourtant, parce que les barrages, les douleurs et les masques sont durcis et costauds, nous laissons tomber si souvent. Cheminer attentif jusqu’au coeur de l’autre peut être désagréablement confrontant, car cela pointe vers nos propres blessures, dégoûts, et rejets. Demeurer avec soi, permet de progresser vers l’autre. Sans notion de pouvoir, mais en tenant le fil d’ariane du coeur.
Gaëlle
Praticienne en médecines douces, je travaille en soins énergétiques holistiques avec les intelligences de la Nature (pour les personnes, les animaux, et les lieux). Retrouvez-moi sur mon blog « Fortifiez vos ailes », sur mon site professionnel : http://www.gaelleberny-magnetisme.com/ et également sur le site du programme Tourne-Soleil : http://www.tourne-soleil.com
> Un livre dédié aux anxieux et angoissés pour retrouver la sérénité : « Habitez votre territoire intérieur » comporte un protocole à faire chez soi pour retrouver davantage de calme et de paix au quotidien, jour après jour. Un cheminement sur 6 mois de temps, pour une ré-équilibration en profondeur.
(photos : Pinterest)